L'uvre d'orgue Orgue : Eric Lebrun (orgue de Saint-Antoine des Quinze-Vingts, Paris) Naxos 2 Cd 8554113 (1995) Plus de vingt ans après l'intégrale de Marie-Claire Alain, à l'orgue de Saint-Christophe de Belfort, voici celle d'un des derniers élèves de Gaston Litaize; deux versions à comparer et pourtant deux commentaires qui ne se rejoignent que très rarement (sauf au début, dans les Litanies magistrales et impeccables). Chez Lebrun : l'équilibre et l'indépendance, un tout très lisible. Chez Marie-Claire Alain : la finesse, la liberté et, un peu indiscrète, beaucoup de poésie, d'intimité et de nostalgie. Lebrun est donc plus franc, mais beaucoup moins éthéré que "Poucette", la petite sur ainsi nommée par le grand Jehan. "Toute ma vie est centrée autour de l'émotion" : ces mots du compositeur, cités jadis par Bernard Gavoty dans son ouvrage-hommage, devraient donc guider efficacement celui qui entre dans cet univers. Hélas, dès le Jardin Suspendu (registration trop gambée et forte, mouvement trop rapide, sans aucun sens de la contemplation), et plus encore avec les Variations sur un thème de Clément Janequin (lequel n'est pas de Janequin !), pas assez expressives, l'auditeur comprend vite que cette nouvelle version ne remplit pas toutes les attentes. Plus loin, le Scherzo de la Suite ne se révèle pas lui non plus, aussi énergique qu'on pouvait s'attendre, dans une pièce où le piano eut d'abord son mot à dire. Une autre intégrale d'Alain s'imposait-elle ? Oui d'un point de vue esthétique. Il faut se souvenir que Jehan Alain, qui visitait beaucoup d'orgues historiques (comme Saint-Sauveur, aux Andelys, une première fois restauré en 1929, où naquit la Berceuse sur deux notes qui cornent) avait surtout à sa disposition des instruments de Cavaillé-Coll (dont celui de l'église de Maison-Laffite, où il était titulaire).Même si les points de comparaison sont minces entre Alain et ses collègues (principalement Litaize et Langlais), ces derniers ont souvent revendiqué une certaine autorité lorsqu'il s'agissait de jouer ses uvres. Mais Alain composait selon un idéal qui ne correspondait que peu aux instruments à sa disposition et la question du timbre comptait beaucoup pour lui. D'où l'intérêt de retrouver cet orgue de musique, acheté en 1894 par le Baron de l'Espée pour sa résidence des Champs-Elysées, qui devitn orgue de tribune en 1909. Sa composition est assez proche de ce que pouvait déjà souhaiter le compositeur avec un bon équilibre des flûtes, des mutations et, en général, des quatre plans sonores (3 claviers et pédale). La mécanique est bruyante. Celle de Belfort l'était moins, mais peut-être l'authenticité a-t-elle un prix Note Artistique : 7 de Répertoire |